Se nourrir en expédition polaire, avec Lyophilise & Co !
Parlons bien, parlons boustifaille !
En expédition, et encore plus spécifiquement en expédition polaire, la nourriture a une importance vitale. Vous n’avez vraiment pas intérêt à vous rater. Pour ma part, j’ai passé beaucoup de temps à étudier la question avant de définir ce que j’allais manger lors de mes pérégrinations glaciales. Et après quelques tests, je pense être arrivé à un résultat quasi-optimal.
Ils ont ce qu’il vous faut que vous partiez faire une randonnée, du vélo, de la voile, du trail, du survie/bushcraft… Il y a même un catalogue de matos de qualité qui s’étoffe à vue d’œil. Alors ne vous étonnez pas si j’en parle dans cet article !
Un dîner venteux.
La calorie, une unité d’énergie
Commençons par un rappel: les calories sont une unité de mesure de l’énergie. 1 calorie correspond à l’énergie nécessaire pour élever de 1°C la température de 1 gramme d’eau. Sachant cela, la suite est assez simple à comprendre: plus un aliment est riche, plus son apport énergétique en calories est élevé. Plus il fait froid, plus notre corps dépense de l’énergie pour se réchauffer. Et donc, plus il fait froid… Plus on a besoin d’avoir une alimentation riche en calories ! Jusque là, ce n’est pas bien compliqué.
Lorsqu’il fait -30°C ou -40°C, et que vous faites un effort important (genre, tracter une pulka de 100kg pendant plus de dix heures par jour), votre corps dépense une quantité phénoménale d’énergie. 8000 kcalories par jour, facilement, soit ce qu’un homme sédentaire moyen mange en 4 jours. Trop pour mon estomac si je devais manger des aliments classiques !
De plus, mon expédition au Groenland étant assez longue (35 jours prévus), cela commence à faire pas mal de nourriture à emporter sur mon traîneau…
Les lipides: énergie, légèreté, efficacité
Il me faut donc choisir des aliments très caloriques, pour alourdir le moins possible mon chargement. Quels sont les aliments les plus caloriques ? Les aliments gras. 1 gramme de lipide représente environ 9 kcal, contre 4 pour 1 gramme de glucides ou de protéines. Mais le corps humain est il capable de s’adapter à une alimentation majoritairement constituée de lipides, et d’en tirer l’énergie dont il a besoin pour fonctionner ?
Et bien, la réponse est oui, avec un entraînement approprié. Les glucides sont une très bonne source d’énergie pour les efforts courts et intenses. Mais cette source d’énergie est limitée: en deux heures maximum, les stocks de glucides situés dans les muscles sont épuisés, et c’est la panne sèche. Les lipides, eux, peuvent être utilisés de manière quasiment illimitée. Ce sont eux qu’utilisent les sportifs d’endurance pour courir durant des heures par exemple. Un homme non-entraîné n’est pas capable de tirer autant d’énergie des aliments gras qu’il ingère, mais un sportif d’endurance de bon niveau le peut !
Ayant suivi un entraînement approprié durant deux années, mon corps est aujourd’hui capable d’assimiler une grande quantité de lipides et de les brûler pour me fournir de l’énergie. Ils sont largement majoritaires dans mon alimentation. C’est pourquoi mes rations quotidiennes sont constituées de beurre, d’oléagineux, de fruits secs, de fromage gras, de salami gras, de chocolat noir…
Et à la fin de l’expédition, malgré 8000kcalories ingérées par jour, vu ma dépense d’énergie, j’ai quand même perdu du poids ! Oubliez “Comme j’aime” et autres escroqueries. Il est là, le régime miracle.
Nutriments, consistance
Notre alimentation doit quand même fournir un apport correct en protéines et en glucides: les muscles et le cerveau en ont toujours besoin. De plus, pour une expédition au long cours, il faut être particulièrement vigilant à ce qu’elle apporte également certains nutriments indispensables, notamment certains minéraux, oligo-éléments, certaines vitamines. Par exemple la vitamine C, qui permet d’éviter quelques désagréments comme… Le scorbut !
Soyez malins et évitez de prendre des choses contenant de l’eau. Ou n’importe quoi qui gèlerait trop facilement. On ne compte plus le nombre de dents cassées sur de la nourriture par -30°C, et ce n’est pas une blague.
Emballages !
Le choix des contenants est également important: on préfèrera un volume le plus compact possible pour que cela tienne dans la pulka, et des emballages stériles. Pour ma part, j’allège tout au maximum, et j’emballe sous vide tout ce qui peut l’être: fruits secs, oléagineux, viande séchée, salami, fromage… Cela prends moins de place et cela permet aux aliments de mieux se conserver. On peut trouver facilement une machine sous vide pour quelques dizaines d’euros.
Pour ce que vous n’avez pas emballé vous même, comme des barres énergétiques, faites attention à ce que les emballages soient faciles à ouvrir même avec plusieurs paires de gants.
Surtout, ne laissez jamais aucun déchet derrière vous. Pour des raisons absolument évidentes !
Rythme
A quel rythme ingérer tout ça ? Et bien, après le réveil, je prends un petit déjeuner. Une sorte de muesli maison boosté au lait en poudre et au beurre. Pour l’hydrater, je fais fondre de la neige.
Ensuite, je pars et je mange un peu à chaque heure, tout au long de la journée, soit en avançant, soit lors de courtes pauses. Des fruits secs, du chocolat noir, du beurre, de la viande séchée, des barres énergétiques, du Gouda… C’est un peu comme alimenter un fourneau en continu afin qu’il continue à brûler. Cela permet de ne pas saturer mon système digestif en mangeant trop d’un coup.
Lorsque les températures sont glaciales, on a de toute façon pas le temps de s’attarder: si on ralentit, on gèle directement ! Le soir, une fois dans ma tente, je fais de nouveau fondre de la neige et je me régale d’un plat lyophilisé. C’est un des moments les plus satisfaisants de la journée: manger un bon plat chaud alors que je suis fatigué, affamé, et qu’il fait tellement froid. Il y a un nombre invraisemblable de références chez Lyophilise & Co, et toutes les meilleures marques: impossible de ne pas trouver quelque chose qui soit à votre goût.
Attention à ne pas abuser de la nourriture le soir avant le coucher: trop manger fait suer la nuit. On transpire jusque 1L par nuit ! Et comme dans mon VBL, sorte de sac à viande imperméable protégeant mon sac de couchage, pas une goutte ne s’évacue… Bref, évitez si vous voulez faire une bonne nuit !
En revanche, un croc dans une barre énergétique lors d’un réveil nocturne n’est pas un problème, et vous aide à vous réchauffer.
Journée type
Au réveil
- Muesli maison à base de flocons d’avoine, de poudre de lait, et de beurre
- Une dosette de café
Tout au long de la journée
- Des fruits secs (bananes, pommes, abricots…)
- Du chocolat noir (200g)
- Du beurre (100g)
- Plusieurs barres énergétiques
- Du salami assez gras pour ne pas geler (100g)
- De la viande séchée
- Du fromage gras (Gouda) (100g)
- Des oléagineux (amandes, noisettes, noix de cajou…), (100g)
Soir
- Un plat lyophilise de Lyophilise & Co !
- Un sachet de soupe déshydratée
- Un thé
- Le reste de ce que je n’ai pas mangé durant la journée
Avec tout ça, j’arrive à environ 7000 kcalories par jour. Un peu moins en début d’expédition, un peu plus à la fin: le corps met quelques jours à s’adapter pour pouvoir ingérer une telle quantité de nourriture. Pour chaque jour, compter un peu plus de 1kg de nourriture, et 250ml de carburant pour faire fondre la neige. Ce qui m’amène à plus de 50kg de nourriture et de carburant pour le Groenland… C’est beaucoup, mais il est difficile de faire mieux.
A vous de jouer !
La prochaine fois, je vous parlerai peut-être du pemmican ou du hoosh, allié des premiers explorateurs polaires…
BONUS: une aventure peu emballante
Lors de l’hiver 2020, alors que nous naviguions dans l’Isfjorden du Svalbard, un guide polaire m’a raconté une drôle et fascinante histoire, vieille de 150 ans.
Sur le bord de ce fjord, se trouvait une cabane, appelée la Svenskhuset. Cette cabane, construite par des Suédois, servait d’abri pour hivernage. Lors de l’hiver 1872-1873, des chasseurs de phoques se sont retrouvés coincés sur l’île. Un explorateur Finlandais leur est venu en aide, mais faute de vivres à bord de son bateau, il ne pouvait tous les ramener chez eux. Ils choisirent donc 17 d’entre eux, sans familles, et leur demandèrent d’hiverner dans la Svenskhuset, en leur promettant de venir les secourir l’été suivant. Ils partirent donc pour cette cabane le 14 Octobre 1872, en canots.
L’été suivant, un équipage Norvégien partit de Tromsø pour leur porter secours. A leur arrivée, ils découvrirent avec stupeur cinq cadavres en dehors de la cabane. Sur la porte, un avertissement: Ne pas entrer. Ils découvrirent ensuite dix, puis douze autres corps, sur des chaises, dans des lits, ou sur le sol. L’un des chasseurs tenait un journal: on y appris que le premier homme avait succombé en Novembre. Le jour de Noël, tout le monde était malade. La dernière ligne du journal s’arrêtait au 19 Avril: son auteur avait sans douté été le pénultième à périr.
Longtemps, on a jugé que ces hommes devaient être des incapables. Ils devaient être morts de faim car trop médiocres pour chasser, ou bêtement morts du scorbut, causé par un manque de vitamine C. Alors même que la cabane était généreusement dotée en vivres et en armes. Un comble !
Mais d’après le journal, ces hommes connaissaient parfaitement bien le scorbut, et savaient comment s’en prémunir. Ils étaient, de surcroît, tous tombés malades en même temps, ce qui est peu commun. En 2007, un docteur et un historien ont obtenu l’autorisation d’autopsier les corps. Ils ont ainsi pu découvrir ce qu’ils soupçonnaient: ces hommes n’étaient pas morts du scorbut, ni de leur incompétence: ils étaient morts d’un empoisonnement au plomb, comme le révélait l’analyse de leurs os ! A l’époque, l’emballage de la nourriture dans des conserves en plomb était courant. Or: le plomb est mortel pour l’organisme humain…
Leur honneur a donc pu être restauré à titre posthume. Quant à vous, vous voilà avertis: le plus petit détail peut avoir de graves conséquences, alors attention à ce que vous mangez, et comment vous le mangez.
Bon appétit bien sûr !
La Svenkshuset en période estivale.