Comment fonctionne notre climat ?

Introduction

Ce article est de loin le plus technique de la série. Néanmoins, vous auriez tort de fuir à cette simple évocation ! Si certains termes comme rayonnement électromagnétique, ou bilan radiatif vous semblent barbares, ne vous en faites pas: nous allons les démystifier et vous vous rendrez compte que le principe général est loin d’être aussi compliqué qu’il n’en a l’air.

Cet article a pour objectif de vous aider à comprendre pourquoi le climat terrestre est aussi stable et chouette sur Terre. Et de vous donner les clés pour ensuite comprendre comment nos activités perturbent ce si précieux équilibre, indispensable à notre vie, pour aboutir au dérèglement climatique !

Une histoire d’énergie

La Terre est une petite planète rocheuse du système solaire. Elle connaît un climat favorable, permettant l’existence d’eau liquide, et donc l’apparition de la vie. La température moyenne de la Terre est de 14°C, ce qui est plutôt commode. Formidable, mais comment l’expliquer ? Nous connaissons tous au moins une partie de la réponse: elle est située à une distance idéale du soleil, ce qui lui permet de n’être ni trop froide, ni trop chaude.

En permanence, le soleil nous envoie de l’énergie. Une énergie absolument phénoménale ! Comme l’énergie a le bon goût de se conserver, c’est cette énergie solaire que nous utilisons tous les jours en la transformant de diverses façons. Et oui ! Nous ne créons jamais d’énergie: nous utilisons simplement de l’énergie déjà existante sur Terre, généralement en la transformant.

Besoin d’exemples ? Nous pouvons, avec une éolienne, obtenir de l’énergie mécanique à partir d’énergie cinétique (vent). Puis transformer à nouveau cette énergie mécanique en énergie électrique… Les arbres quant à eux, transforment une énergie radiative (lumière solaire) en énergie chimique, par la photosynthèse. Notre propre corps transforme une énergie chimique en énergie thermique, puis en énergie mécanique ! C’est ce qu’il se passe lorsque vous digérez des aliments (cela dégage de la chaleur… De l’énergie) pour ensuite aller marcher dehors.

Vous ne saviez peut-être pas que votre propre énergie, n’est en fait qu’une infime portion de l’énergie solaire, transformée de multiples fois. C’est pourtant le cas: la quasi-totalité (99.9%) de l’énergie sur Terre vient du Soleil. Même le vent lui doit son existence ! Mais… S’il nous envoie chaque jour une quantité d’énergie aussi incroyable, comment cela se fait-il que nous ne puissions pas la voir ?

Rayonnement électromagnétique: énergie visible et invisible

L’énergie venant du soleil nous parvient sous forme de rayonnements électromagnétiques. Cette énergie et donc ces rayonnements… On les voit très bien ! En partie du moins… Il s’agit tout simplement de la lumière. Voilà pourquoi s’exposer au soleil nous réchauffe. Sachez que tout corps dont la température est supérieure au zéro absolu (une température en dessous de laquelle on ne peut pas descendre, située autour de -273.15°C), émet un rayonnement électromagnétique. C’est le rayonnement dit du corps noir. Plus la température du corps augmente, plus la fréquence du rayonnement est élevée.

Notre œil s’est adapté aux rayonnements émis par le soleil afin de pouvoir en capter un maximum: la lumière visible. Aussi, nous sommes capables de voir une partie des rayonnements du soleil sous forme de couleurs, allant du rouge au violet. Une flamme rouge a une plus basse fréquence qu’une flamme bleue, et est donc moins chaude.

Certains rayonnements échappent néanmoins à notre vision: il s’agit des bien nommés rayonnements infrarouges et ultraviolets. Nous sommes capables de voir les rayonnements infrarouges avec une caméra thermique par exemple, ce qui rend visible le rayonnement de nos propres corps humains. Et bien que nous ne voyons pas les rayonnements ultraviolets, nous n’oublions pas pour autant leur existence et nous en protégeons (lunettes, crème solaire… ) puisqu’ils sont de haute fréquence, et peuvent donc être dangereux !

Le spectre électromagnétique va bien au-delà de ce que notre oeil peut voir !

Maintenant que nous savons que l’énergie solaire et les rayonnements solaires (dont fait partie la lumière visible) ne font qu’un, que l’énergie se conserve… Nous allons expliquer pourquoi la température moyenne de la planète n’est que de 14°C. Autrement dit, nous allons expliquer comment la Terre perd de l’énergie pour refroidir et ne pas brûler !

L’Albédo: énergie renvoyée dans l’espace !

Une partie (71%) des rayonnements solaires atteignant notre planète est absorbée: cette énergie rayonnante se transforme en énergie thermique, et chauffe la Terre. (Pour être précis, 23% sont absorbés par l’atmosphère, 48% par le sol.) L’autre partie (29%) est directement renvoyée vers l’espace sans être absorbée. Comment l’expliquer ?

Vous savez probablement que dans la lumière blanche, on peut trouver toutes les couleurs (ce qui est facilement mis en évidence en utilisant un prisme).

Un prisme permet de disperser la lumière blanche, et de mettre en évidence les différentes longueurs d’onde qui la composent.

Lorsqu’une surface nous apparaît de couleur rouge, cela signifie que cette surface absorbe les longueurs d’onde bleues et vertes, et renvoie la rouge. Si la surface est noire, elle absorbe toutes les longueurs d’onde. Et si elle est blanche… Elle les renvoie toutes !

Les surfaces les plus claires de notre planète renvoient donc directement vers l’espace une grande partie des rayons solaires. Ce sont les nuages, la banquise, les glaciers…  L’Albédo se définit comme la part du rayonnement reçu par un corps, qui est directement réfléchi. On dit donc de ces surfaces qu’elles ont un fort albédo. D’autres parties de notre planète sont bien plus foncées, comme les océans. Elles absorbent donc bien plus d’énergie.

L’albédo de différentes régions terrestres. On observe que les pôles et les déserts ont un albédo particulièrement élevé.

Ici, on observe le rayonnement réfléchi en valeur absolue. La Terre étant sphérique, les pôles reçoivent peu d’énergie et en renvoient donc peu en valeur absolue. Notons aussi l’importante quantité d’énergie réfléchie par la ceinture nuageuse équatoriale.

L’Albédo se mesure de 0 à 1. Celui d’une surface noire est proche de 0, celui d’une surface blanche est supérieur à 0.8, celui d’un miroir parfait est de 1. L’Albédo moyen de notre planète est situé autour de 0.3. Les 70% de rayons solaires absorbés par la Terre suffisent t-ils à expliquer que sa température moyenne soit de 14°C ? Pas vraiment. En fait, si les rayonnements directs du soleil étaient notre unique source de chaleur, la température moyenne à la surface de la planète serait de… -18°C, soit la température d’un congélateur.

Qui dit congélateur, dit eau qui gèle. Si la surface des océans gèle et se transforme en banquise, que la neige et les glaciers recouvrent les continents, alors la Terre s’éclaircit et vire au blanc… Son albédo augmente ! S’il augmente, alors la Terre renvoie une plus grande part des rayonnements solaires directement dans l’espace, absorbe moins d’énergie, et sa température descend… La température moyenne de la surface de la Terre serait en fait d’environ -50°C si les rayonnements directs du soleil étaient notre unique source de chaleur ! Bref, ce serait une jolie boule de glace incapable d’abriter la vie. Mais alors, qu’est ce qui nous sauve de ça ?

Tout le monde en a déjà entendu parler. L’effet de serre bien sûr !

Le fameux effet de serre

C’est quoi, l’effet de serre ? On entend souvent parler de ce phénomène. Bien des personnes s’expriment avec assurance à son propos, sans être en mesure de le définir correctement…

Quelques notions de base: lorsqu’un gaz chauffe, il se dilate. C’est le cas de l’air. Lorsque l’air chauffe, il se dilate, et devient donc moins dense. En devenant moins dense, il devient plus léger que l’air froid… Et s’élève donc dans les airs. Pour combler le vide, une masse d’air plus froid vient prendre sa place. Cela crée un mouvement circulaire, que l’on appelle la convection.

Une illustration simple de la convection, responsable nombre incalculable de phénomènes météorologiques.

Dans une serre, on empêche ce mouvement de convection avec une paroi transparente. L’air est donc chauffé par le soleil, mais se trouve piégé par les parois et ne peut pas s’élever et être remplacé par de l’air froid. Il continue donc de s’échauffer… Voilà pour l’effet de serre à proprement dit. Pour la Terre, cela ne fonctionne pas exactement de la même façon, même si on peut relever des similitudes. Le terme exact est forçage radiatif, un terme peut-être intimidant mais que l’on va expliquer simplement.

Nous avons vu que l’énergie solaire nous parvient sous forme de rayonnements. Ces rayonnements ont une longueur d’onde plus ou moins élevée, et certains appartiennent au spectre de la lumière visible, allant du rouge au violet. Lorsqu’un corps absorbe les longueurs d’onde bleues et vertes, mais renvoie la longueur d’onde rouge, il nous apparaît rouge. Lorsqu’un corps nous apparaît transparent (exemple: du verre), cela signifie qu’il n’absorbe pas les rayonnements appartenant au visible… Mais pas pour autant qu’il n’absorbe aucun rayonnement ! Il peut très bien absorber des rayonnements invisibles comme les ultraviolets (une crème solaire nous apparaît transparente parce qu’elle laisse passer les rayonnements visibles, mais renvoie les ultraviolets).

La Terre reçoit de l’énergie venant d’un corps très chaud (le Soleil),  ce sont donc des rayonnements de haute fréquence. Elle renvoie vers l’espace des rayonnements provenant d’un corps moins chaud (la Terre), donc de plus basse fréquence. Et devinez quoi ? Les GES (gaz à effet de serre) ont pour propriété de laisser passer les rayonnements à haute fréquence… Mais de renvoyer les rayonnements à basse fréquence ! Ils les renvoient dans tous les sens… Y compris vers la Terre, et la chauffent !

Récapitulons: le Soleil envoie des rayonnements électromagnétiques de haute fréquence vers la Terre. 70% d’entre eux traversent l’atmosphère sans encombre: les gaz à effet de serre les laissent passer. La Terre chauffe, sans pour autant atteindre la température du soleil. Elle émet donc à son tour un rayonnement électromagnétique de plus basse fréquence, ce qui a pour effet de la refroidir. Ce rayonnement de basse fréquence, les gaz à effets de serre ne le laissent pas passer: ils le renvoient en partie vers la Terre… Le rayonnement rebondit donc entre la surface terrestre et son atmosphère tel une balle de ping-pong, ce qui a pour effet de la réchauffer !

L’effet de serre empêche donc à la Terre de perdre une partie de l’énergie qu’elle reçoit du soleil, un peu comme vos vêtements vous empêchent de perdre une partie de votre chaleur corporelle !

Voilà comment nous passons d’une température moyenne de -18°C, à une température moyenne de 14°C ! Vous commencez à comprendre à quel point l’équilibre du climat terrestre est fragile ? Sans effet de serre, la Terre ne serait rien d’autre qu’une boule de glace. Mais si l’effet de serre devenait trop important… Il pourrait la transformer en fournaise.

Pour garder une température stable, la Terre doit recevoir la même quantité d’énergie qu’elle en perd. C’est à peu près le cas depuis bien longtemps ! Et nous allons bientôt pouvoir comprendre comment, en augmentant la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, nous accroissons son effet et menaçons cet équilibre si précieux et si fragile.

Les GES de notre atmosphère agissent comme une couette, nous renvoyant une partie de notre chaleur et rendant notre planète habitable !

Grâce à l’effet de serre, la Terre reçoit 492W/m² d’énergie au lieu de 235. De quoi radicalement changer la température moyenne terrestre !

Les gaz à effet de serre sont nombreux: tous ne sont pas présents dans l’atmosphère en même quantité, et n’ont pas la même capacité à réfléchir les rayonnements électromagnétiques. Parmi les principaux responsables du forçage radiatif, nous pouvons citer par ordre d’importance la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone (CO2), l’ozone (O3), et le méthane (CH4). Si l’on n’agit pas vraiment sur la quantité de vapeur d’eau présente dans l’atmosphère et qui reste stable… Nos activités humaines ont un impact important sur la quantité de CO2 ou de méthane présentes dans l’atmosphère, comme nous le verrons plus tard !

Bilan radiatif de la Terre !

Imaginez un caillou au milieu d’un four que vous mettez en marche. Plus on chauffe un corps, plus sa température augmente… Et plus il se met à perdre de l’énergie (On le sent en approchant notre main du caillou: il est chaud !). Par conséquent, plus on chauffe un corps, plus il devient difficile de faire augmenter sa température. On finit par atteindre un équilibre où il absorbe autant d’énergie qu’il en perd: sa température cesse alors d’augmenter et se stabilise. C’est normal, ou sa température augmenterait à l’infini !

Il est temps de faire le bilan radiatif de notre chère planète ! Autrement dit, l’heure de faire le bilan sur la quantité d’énergie qu’elle reçoit et qu’elle perd. Le soleil joue le rôle du four, et notre planète celui du caillou. Sa température étant stable, nous devrions constater un équilibre !

Le schéma ci-dessous est quelque peu complexe, mais pas compliqué. Pour l’expliquer, nous allons le diviser en deux grandes parties et d’abord faire le bilan des échanges entre la Terre et l’espace, puis de ceux entre la Terre et son atmosphère.

Entre la Terre et l’espace

Sur l’image ci-dessous, comme vous pouvez le voir, le soleil nous envoie au total environ 340 Watts/m²/seconde, le Watt étant l’unité permettant de mesurer un flux énergétique. Comme nous l’avons expliqué, 29% de ce rayonnement est directement renvoyé vers l’espace ! 77W par l’atmosphère et les nuages, et 23W par la surface terrestre.

L’énergie radiative renvoyée par la surface de la Terre est en grande partie absorbée par l’atmosphère. Environ 10% traverse l’atmosphère sans être arrêtée et repart directement dans l’espace (40W). L’atmosphère finit par renvoyer dans l’atmosphère environ 170W d’énergie absorbée, et 30W sont relâchés vers l’espace par les nuages. 77+23+40+170+30… Font 340W, soit l’énergie que la Terre reçoit initialement du soleil. Le compte y est ! Enfin presque… Parce que si nous regardons les chiffres de manière plus précise, nous constatons qu’il existe un petit déséquilibre. Sur le schéma, vous pouvez le voir noté en bas à gauche. C’est la clé du phénomène du dérèglement climatique. Nous en parlons un peu plus bas, juste après le schéma !

Entre la Terre et l’atmosphère

Si l’on s’intéresse aux échanges entre la Terre et son atmosphère, on peut constater un déséquilibre: elle reçoit 163W du soleil (part du rayonnement solaire non directement réfléchi vers l’espace), et l’atmosphère lui renvoie 340W (grosse flèche rouge descendante), pour un total d’environ 503W… Pourtant, elle ne renvoie que 398W vers l’atmosphère ! (grosse flèche rouge montante). Mais où sont passés les 105W manquants qui devraient être cédés par la surface de la Terre à l’atmosphère ?

Et bien, l’énergie ne quitte par la surface de la planète uniquement par radiation ! Il y a aussi l’évaporation… Lorsque l’eau s’évapore et s’élève dans l’atmosphère, elle emporte avec elle de la chaleur. Une fois arrivée à une altitude suffisamment élevée, elle condense et se transforme de nouveau en gouttelettes d’eau liquide plus froides… La chaleur libérée par ce processus est libérée dans l’atmosphère ! Cela compte pour environ 86.5W/m². Le reste des échanges est causé par la simple circulation atmosphérique. Au contact du sol, l’air se réchauffe. Il s’élève ensuite dans l’atmosphère, et refroidit, cédant de la chaleur à l’atmosphère… Pour environ 18.5W. Nous retrouvons donc nos 105W, et notre équilibre dans les échanges entre la Terre et l’atmosphère.

Bilan radiatif terrestre simplifié (2009)

Le déséquilibre

Sur le schéma, vous voyez noté en bas à gauche: Net absorbed: 0.6W. Cela signifie qu’au total, la Terre absorbe légèrement plus d’énergie qu’elle n’en relâche… Cela peut sembler peu. Mais l’équilibre radiatif est aussi précieux pour la vie sur Terre qu’il est fragile… En réalité, c’est considérable et suffisant pour entraîner la conséquence que vous connaissez maintenant… L’équilibre radiatif n’étant plus atteint, la Terre se réchauffe. De légères modifications dans la composition de notre atmosphère renforcent l’effet des gaz à effet de serre, ce qui a pour effet de diminuer la quantité d’énergie quittant la planète. Et de déséquilibrer la très délicate balance du climat.

Autre mauvaise nouvelle: ce schéma date de 2009 ! Depuis, le déséquilibre a quasiment doublé, pour atteindre environ 1 Watt aujourd’hui. 1 watt par m², par SECONDE absorbé par la Terre… ! Ci-dessous, vous pouvez retrouver un graphique illustrant ce déséquilibre grandissant.

Données de la NASA et de la NOAA. Le déséquilibre s’accroît très rapidement.

Dans les articles suivants, nous allons nous intéresser à la manière dont les activités humaines modifient la composition de notre atmosphère et déséquilibrent notre climat. Nous allons expliquer l’origine anthropique du réchauffement climatique, avant de nous intéresser à ses conséquences concrètes…

Ce qu’il faut en retenir

  • La quasi-intégralité de l’énergie terrestre vient du soleil. Nous ne créons pas d’énergie ni ne la consommons: nous la transformons simplement.
  • L’effet de serre, ou forçage radiatif, permet à l’atmosphère terrestre de renvoyer vers la Terre une partie de l’énergie qui s’en échappe, et d’avoir une température moyenne de 14°C au lieu de -50°C
  • Pour que le climat soit stable, il faut que la Terre perde autant d’énergie qu’elle en reçoit
  • En modifiant la composition de notre atmosphère, l’être humain renforce l’action de l’effet de serre: l’équilibre est brisé et la Terre perd moins d’énergie qu’elle n’en accumule
  • Ce déséquilibre s’accroît très vite et entraîne une augmentation de la température terrestre.

N’hésitez pas à poser des questions si vous en avez en commentaires de cet article !